19.12.23

15.12.23

14.12.23

So if there's anyone in my situation, I’d say focus on yourself – use all of that energy in trying to position yourself in the world where you are actually a survivor, where you understand the dynamics. Heal as much as you can, take your time. You can support other survivors, you can be part of the collective force, you can march with us in the streets, you can join and volunteer, you can do all of that while still doing the healing that you need to do.

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People can erase notes that you write to people, books can be burned down, feminist spaces can be burned down or erased, laws can be made, all of that can happen. But there is this unspoken sense of feminist resistance that I find so much hope in because it survives all cultures, all dynamics, from the educated to the uneducated and between all genders. It just happens – the kind of feminist transference that happened from my grandmother to my mother and from my mother to me. Maybe we can call it the ancestral spirit of feminism.

Toufah Jallow, “The secret is not yours” — the woman behind an African #MeToo movement, Toufah Jallow's suvivor-led revolution in The Gambia, IMPACT, Les Glorieuses, 11.20.2023

3.12.23

La colère est dans l’air 


Les gens aiment bien dire que l’indifférence vaut mieux que la haine parce que la haine signifie qu’on ressent encore quelque chose, alors que l’indifférence, c’est être au-dessus de tout ça. Et ça faisait très beau comme citation au Stabilo rose dans mon agenda au collège. Sauf que « tout ça » est tellement énorme en ce qui nous concerne que l’indifférence risque de nous consumer et de nous tuer. C’est justement parce qu’il y a trop d’indifférence qu’on avance pas aussi vite qu’on aimerait. C’est l’indifférence qui permet aux violences physiques, verbales, politiques, médicales, sociales, professionnelles, de perdurer sans répercussions. Nous conseiller l’indifférence plutôt que la haine, ça veut dire qu’on nous reproche d’être dans l’émotion vive, au lieu d’être cérébrales, calmes et distantes. 

Et on sait bien que les émotions vives, chez les femmes, ça fait mauvais genre.  


Vénère. Être une femme en colère dans un monde d’hommes, Taous Merakchi, 2022, p. 45

20.11.23

Pourquoi la colère


Les raisons d’être en colère ne manquent pas, c’est l’énergie de l’exprimer qui nous fait défaut en ce moment. Et c’est là que cette émotion prend toute sa dimension la plus perverse et la plus vicieuse : puisqu’on ne peut pas la jeter aux visages de ceux qui la provoquent, on la retourne contre nous, on la brasse dans nos tripes, on la laisse macérer jusqu’à ce qu’elle nous ronge les entrailles et les os, et on se consume, petit à petit. Le moindre souffle peut faire partir les flammes et nous cramer un gros morceau d’un coup, mais au quotidien ça mijote, à petit feu, tranquillement. Et on avance mâchoires serrées, épaules remontées, cou tendu, en essayant de faire le moins de vagues possible pour ne pas éclabousser ceux qui n’y sont pour rien, ou du moins pas pour grand-chose.


Et surtout, quand on essaye d’exprimer cette colère, on fait attention d’y mettre les formes. On choisit bien ses mots, pour la rendre inoffensive, intellectuelle, articulée. Pour minimiser ses proportions et son impact, on s’excuse platement avant de dire « Mais tu comprends, parfois, eh bien ça m’agace un petit peu », quand on aimerait dire : « Ferme bien ta gueule et écoute-moi : j’ai envie de tout cramer, de tout détruire, de hurler jusqu’à faire exploser tes tympans et me repaître du sang qui coulera de tes oreilles. » Mais c’est pas féminin. C’est pas classe. C’est pas constructif. Et puis ça donne des munitions à l’ennemi, on se tire une balle dans le pied en osant exprimer cette émotion qui ne nous appartient pas et à laquelle on nous refuse l’accès depuis toujours : parce que nous sommes hystériques, instables, régies par nos émotions… Du coup, on leur donne raison. 

Parce que de toute façon, les femmes ont toujours tort.


Vénère. Être une femme en colère dans un monde d’hommes, Taous Merakchi, 2022, p. 27-28

14.11.23

Fatema Mernissi - Le Harem et l’Occident


Elle découvre alors que pour les hommes occidentaux, nourris des peintures de Delacroix, Ingres, Matisse et Picasso, le mot renvoie à un pur fantasme : celui d’un paradis sexuel peuplé de captives disponibles, alanguies et perpétuellement nues (« les musulmans semblent éprouvent un sentiment de puissance virile à voiler leurs femmes, et les Occidentaux à les dévoiler », observe-t-elle insolemment). Le harem leur évoque en fait un univers très similaire à celui des maisons closes peintes par Toulouse Lautrec et Degas. Elle est stupéfaite : comment peuvent-ils croire sérieusement que des femmes enfermées acceptent leur sort de bonne grâce ? Cette réalité du non-consentement féminin, sa propre tradition culturelle ne l’occulte jamais, dit-elle, que ce soit dans les grands récits littéraires ou dans la peinture : on y sent toujours planer la menace d’une révolte possible, et la situation du maître est tout sauf confortable. Les miniatures des artistes musulmans, de surcroît, montrent toujours les femmes des harems très habillées et très actives : montant à cheval, tirant à l’arc…

(…) Pour elle, la séduction ne peut se réduire au langage du corps, ni faire l’économie d’une « communication intense ». « Que peut donc être un orgasme partagé, pensais-je, dans une culture où les pouvoirs de séduction de la femme ne comptent pas celui de l’esprit ? » Il s’agit là d’une tradition qui lui est complètement étrangère : « Dans le harem musulman, l’échange est, au contraire, indispensable à la jouissance partagée. » Les califes exigeaient en effet de leurs esclaves féminines une intelligence, des connaissances et des talents oratoires, comme l’esprit de répartie, qui était loin de réduire au petit vernis d’éducation nécessaire à donner le change dans les conversations mondaines. (…) « N’est-il pas étrange, interroge Fatema Mernissi que, dans l’Orient médiéval, des despotes comme Haroun al-Rachid, recherchaient des esclaves érudites tandis que, dans l’Europe des lumières, des philosophes tels que Kant rêvaient de femmes incultes ? »

(…) Une idée germe alors dans son esprit : « Se pourrait-il qu’en Orient la violence imposée aux femmes vienne de ce qu’on leur reconnaît la faculté de penser et donc d’être des égales, et qu’en Occident les choses aient l’air plus cool parce que le théâtre du pouvoir gère la confusion entre masculinité et intelligence ? » Elle va plus loin : en Orient, l’enfermement est spatial, alors que, en Occident, il est immatériel et se fait dans l’image d’elles-mêmes qu’on impose aux femmes ; en somme, les femmes y sont enfermées dans le regard des hommes.



Beauté fatale. Les nouveaux visages d’une aliénation féminine, Mona Chollet, 2012, p.286-288

12.11.23

11.11.23

6.11.23

2.11.23

Il y a encore mieux qu’être un artiste, cependant : être un artiste qui souffre. Les amis de Polanski n’ont pas manqué de souligner que, entre la mort des siens en déportation pendant la guerre et l’assassinat en 1969 de son épouse Sharon Tate, cet homme avait beaucoup souffert. Dans l’interview télévisée déjà citée, le cinéaste disait qu’il y avait différentes manières de réagir à la douleur : « Certains s’enferment dans un monastère, d’autres se mettent à fréquenter les bordels. » (…) 


S’abriter derrière son statut d’artiste pour justifier cet usage consolatoire de plus faible que soi ne va pourtant pas sans poser quelques problèmes. Sur son blog, André Gunthert ironisait : « La littérature, c’est comme la baguette magique de la fée Clochette : ça transforme tout ce qui est vil et laid en quelque chose de beau et de nimbé, avec un peu de poudre d’or, de musique et de grappes de raisin tout autour. Pour les poètes, la prostitution n’est plus la misère, le sordide et la honte. Elle devient l’archet de la sensibilité, l’écho des voix célestes, la transfiguration des âmes souffrantes. La littérature, ça existe aussi au cinéma. Talisman de classe, elle protège celui qui la porte de l’adversité. Que vaut une fillette de treize ans face à une Palme d’or ? »



Beauté fatale. Les nouveaux visages d’une aliénation féminine, Mona Chollet, 2012, p.281-282

Anecdote sur J. Nicholson et R. Polanski à Paris


A ce sujet, on trouve dans Top model une anecdote intéressante, racontée par Tara Shannon. A la fin des années 1970, la jeune Américaine est à Paris. Se promenant avec une amie, elle voit tout à coup Jack Nicholson sortir de l’hôtel George V. Elles l’abordent au culot, et l’acteur leur propose de l’accompagner à une petite fête où il se rend. « Jack sonne et devinez qui ouvre la porte ? Roman Polanski ! C’était complètement dingue ! Nous sommes rentrés dans une pièce remplie de petites blondes d’une quinzaine d’années. Du coup, Lisa et moi, on se trouvait vieilles et on s’est regardées en se disant intérieurement : « Foutons le camp d’ici ! » Quelqu’un a fait passer un joint, Lisa n’y a pas touché, mais j’en pris quelques taffes. Tout à coup, je commence à me sentir malade, à tel point que je suis obligée de m’allonger. Il m’a fallu quelques minutes pour reprendre mes esprits. Mais plusieurs des filles étaient inconscientes… Ça craignait ! On s’est barrées. » 


Beauté fatale. Les nouveaux visages d’une aliénation féminine, Mona Chollet, 2012, p.279

 A propos de « l’affaire DSK » et de « l’affaire Polanski »


Nombre de commentateurs y ont démontré à quel point leur vision de l’érotisme se passait aisément de cette broutille que représente à leurs yeux la réciprocité du désir. Le langage utilisé n’a cessé de manifester une inconscience totale de la ligne de démarcation existant entre un rapport sexuel et un viol. L’expression « affaire de moeurs » a été utilisée dans les premières dépêches qui ont suivi l’arrestation de Polanski, ainsi que dans la pétition du cinéma mondial lancée en sa faveur ; quelques voix se sont élevées pour objecter que, s’agissant de la pénétration et de la sodomie d’une adolescente de treize ans préalablement saoulée au champagne et shootée au Quaalude, c’était un peu léger. De même, il y a eu, dans l’affaire DSK, le fameux « troussage de domestique » lancé par Jean-François Kahn, qui ramenait Nafissatou Diallo au cliché dépersonnalisant de la « soubrette », l’effaçant du tableau en tant qu’individu.



Beauté fatale. Les nouveaux visages d’une aliénation féminine, Mona Chollet, 2012, p.267

15.10.23

« Ce que les petites filles apprennent, ce n’est pas à désirer les autres, mais à désirer être désirées », écrit Naomi Wolf (The Beauty Myth). « Les femmes qui ont maigri disent se sentir « plus sexy », remarque-t-elle, alors que les terminaisons nerveuses des tétons et du clitoris ne se multiplient pas avec la perte de poids ». En somme, l’apparence d’une femme doit toujours avoir la priorité sur ses sensations. 


Beauté fatale. Les nouveaux visages d’une aliénation féminine, Mona Chollet, 2012, p.258

Cette assignation au statut de femme-objet, l’actrice Jane Fonda en a fait l’expérience, comme la plupart de ses consoeurs, et l’a analysé avec une lucidité particulière. Dans ses Mémoires, elle raconte que lorsqu’elle joua sur les bases militaires américaines le spectacle qu’elle avait monté avec d’autres artistes contre la guerre du Vietnam, en 1971, les soldats étaient parfois furieux de constater qu’elle ne correspondait pas à la bombe sexuelle qu’ils attendaient. Certains déchirèrent même leur poster de Barbarella, l’astronaute ultrasensuelle en combinaison Paco Rabanne qu’elle avait incarnée en 1968 dans le film du même nom sous la direction de son mari d’alors, Roger Vadim. 

Elle commente : « Je voudrais pouvoir refaire cette tournée aujourd’hui, dans la peau de celle que je suis devenue. J’arriverais sur scène et dirais : « Oui, je sais que vous êtes déçus de me voir comme ça, au lieu de la très sexy Barbarella, une fille comme les autres, en jean, pas maquillée. (…) Attention, je peux comprendre tous les fantasme, mais il faut que vous sachiez une chose. Incarner ceux des autres peut vous enlever toute votre humanité. Être sexy, c’est super, tant que cela ne vous oblige pas à renoncer à ce que vous êtes vraiment, comme cela m’est arrivé. Je m’étais perdue. Maintenant, j’essaye d’être qui je suis, j’espère que vous le comprendrez. » (…) Peut-être saurais-je leur expliquer que le « syndrome Barbarella » me déshumanisait comme l’armée les déshumanisait. » 


Beauté fatale. Les nouveaux visages d’une aliénation féminine, Mona Chollet, 2012, p.254-255

4.10.23

26.6.23


Rappelons d’abord que les jupes, talons hauts, collants fragiles, bijoux encombrants, lingerie fine, sacs à main et autres accessoires censés être consubstantiels à la féminité ne vont pas de soi. Certaines peuvent préférer une tenue plus pratique, qui leur permette de courir, travailler en étant libres de leurs mouvements, de bricoler. Elles peuvent aussi avoir envie d’établir leurs relations avec les hommes sur une base qui marque moins la différence des sexes. C’est à chacune d’arbitrer l’importance qu’elle veut accorder respectivement à son confort, à sa capacité d’agir, et à la recherche ou la séduction de sa tenue. Par ailleurs, le choix de ne pas trop s’exposer, de ne pas porter de vêtements trop moulants, ne relève pas forcément d’une déviance ou d’un blocage qu’il s’agirait de pulvériser toutes affaires cessantes : il peut aussi traduire un réflexe légitime d’auto protection, de quant-à-soi. (…) On peut mettre du temps à apprivoiser la féminité ; on peut aussi ne jamais y venir, et ne pas s’en porter plus mal.


Beauté fatale. Les nouveaux visages d’une aliénation féminine, Mona Chollet, 2012, p.244



 


 






25.6.23

 

La responsable des castings de Marie Claire, Fabienne Schabaillie, s’était justifiée en 2007 : « Il est vrai que nous choisissons rarement des mannequins noirs. Simplement parce qu’elles ne vendent pas. Quand nous avons fait une couverture avec la sublime Naomi Campbell, les ventes ont hélas été décevantes, et il faut savoir que multiplier les couvertures qui ne marchent pas mettrait en péril notre magazine. (…) Selon moi, ça n’a rien à voir avec le racisme. C’est juste que les lectrices, en majorité blanches, recherchent avant tout un effet miroir. Elles doivent pouvoir s’identifier. » On peut douter de l’argument, puisque même les éditions locales des grands magazines occidentaux répugnent à mettre en couverture des modèles des pays où ils s’implantent. Et quand bien même : on se demande pourquoi une lectrice rousse ou brune pourrait s’identifier à un mannequin blond, et inversement, mais pas à une Noire ou à une Asiatique… Schabaillie concédait d’ailleurs : « Sans doute devrions-nous brusquer les choses pour que les lectrices s’habituent à un autre type de beauté. »



Beauté fatale. Les nouveaux visages d’une aliénation féminine, Mona Chollet, 2012, p.224

 

La mondialisation apparaît d’autant moins comme une mutualisation des pratiques et des valeurs que ses acteurs occidentaux, en dépit de leurs proclamations vertueuses, tendent à appliquer aux populations des pays où ils s’implantent le traitement qu’ils ont longtemps réservé, ou qu’ils réservent encore, à leurs minorités. Ainsi, la présence, en septembre 2011, de six mannequins asiatiques à la une du Vogue chinois constituait un petit évènement : au cours de l’année précédente, les blondes aux yeux clairs, mannequins ou stars hollywoodiennes, avaient raflé huit couvertures sur douze. Et quand des vedettes moins conformes passent la rampe, Photoshop se démène autant que possible pour les ramener à la civilisation. A l’été 2008, L’Oréal avait fait scandale aux Etats-Unis avec une publicité où la chanteuse Beyoncé Knowles apparaissait blanchie, les cheveux raidis et blondis. Un an plus tard, la marque dotait une autre de ses représentantes, l’actrice indienne Freida Pinto (Slumdog Millionaire), d’un teint beigeasse. Et Elle India a fait quelques vagues pour avoir donné à Aishwarya Rai un spectaculaire teint de porcelaine en couverture de son édition de décembre 2010. L’actrice avait d’abord été « incrédule » en la découvrant ; elle envisageait de porter plainte.



Beauté fatale. Les nouveaux visages d’une aliénation féminine, Mona Chollet, 2012, p.224


La valorisation du teint clair est très ancienne dans les pays asiatiques. On la trouve souvent dans la mythologie, qui, chez les hindous, par exemple, « met aux prises des dieux à la peau claire et des démons à la peau sombre », indique Geoffrey Jones. Elle s’explique, dit-on, par le fait qu’un teint pâle révélait le rang social d’une femme n’ayant pas besoin de travailler aux champs. En Inde comme en Asie du Sud-Est, l’histoire a également vu le triomphe de peuples à la peau claire sur d’autres à la peau plus foncée. La colonisation a renforcé cette signification d’appartenance à la classe dominante ; non seulement le colon blanc trônait au sommet de la hiérarchie, mais il jouait les individus ou les groupes sociaux les uns contre les autres en fonction des nuances de leur complexion. Cet héritage, mélange inextricable de dynamiques internes et d’influences extérieures, empêche toute mise en circulation de modèles esthétiques qui diffèrent vraiment des canons occidentaux : le cinéma indien a beau être le plus dynamique de la planète, les plus grandes stars sont au contraire celles qui s’en rapprochent le plus.



Beauté fatale. Les nouveaux visages d’une aliénation féminine, Mona Chollet, 2012, p.224

4.6.23

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Wednesday, 2022

22.1.23

16.1.23