29.8.22

27.8.22

La dévalorisation systématique de leur physique que l’on encourage chez les femmes, l’anxiété et l’insatisfaction permanente au sujet de leur corps, leur soumission à des normes toujours plus strictes et donc inatteignables, sont typiques de ce que l’essayiste Susan Faludi a identifié en 1991 comme le backlash : le « retour de bâton » qui, dans les années 1980, a suivi l’ébranlement provoqué à la fin des années 1960 par la « deuxième vague » du féminisme. 

Le corps, comme l’a montré Naomi Wolf dans The Beauty Myth (« Le mythe de la beauté »), (…) a permis de rattraper par les bretelles celles qui, autrement, ayant conquis — du moins en théorie — la maîtrise de leur fécondité et l’indépendance économique, auraient pu se croire tout permis. Puisqu’elles avaient échappé aux maternités subies et à l’enfermement domestique, l’ordre social s’est reconstitué spontanément en construisant autour d’elles une prison immatérielle. Les pressions sur leur physique, la surveillance dont celle-ci fait l’objet sont un moyen rêver de les contenir, de les contrôler. Ces préoccupations leur font perdre un temps, une énergie et un argent considérables ; elles les maintiennent dans un état d’insécurité psychique et de subordination qui les empêche de donner la pleine mesure de leurs capacités et de profiter sans restriction d’une liberté chèrement acquise.

Il ne faut pas sous-estimer, dit Naomi Wolf, le traumatisme causé par l’arrivée massive, sur une période historique très courte, des femmes occidentales sur le marché du travail. Les prouesses esthétiques que l’on exige d’elles sont une manière de leur faire payer leur audace, de les remettre à leur place. Dans l’entreprise, les hommes sont chez eux ; ils n’ont donc « pas de corps », comme l’écrit Virginie Despentes. Les femmes, elles, doivent donner des gages — sans que l’on sache très bien de quoi, d’ailleurs. Elles doivent n’être ni trop ni trop peu attirantes : dans le premier cas, elles risquent de ne pas être jugées crédibles professionnellement et, si elles se font harceler sexuellement, elles l’auront bien cherché ; dans le second, elles s’exposent aux réflexions désobligeantes pour avoir manqué à leur rôle de récréation visuelle et de stimulant libidinal.



Beauté fatale. Les nouveaux visages d’une aliénation féminineMona Chollet, 2012, p.36-37.

25.8.22


Elisa y Marcela, Isabel Coixet, 2019

18.8.22

L’absence de perspectives de tous ordres, la dureté des relations sociales provoquent un repli des femmes sur les domaines qui leur ont toujours été réservés et qui, jugés étouffants il n’y a pas si longtemps, leur apparaissent désormais comme des abris préservés, intimes, rassurants, parés de tous les attraits. L’espace et les valeurs domestiques (vocation maternelle, cuisine, pâtisserie, couture, tricot) font l’objet d’un réinvestissement massif, de même que les compétences esthétiques : mode, beauté, maquillage, décoration…

(…) Ainsi se remet en place cet ordre tracé au cordeau que la contestation des années 1970 avait ébranlé : aux hommes l’abstraction, la pensée, le regard, les affaires publiques, le monde extérieur ; aux femmes le corps, la parure, l’incarnation, le rôle d’objets de regards et de fantasmes, l’espace privé, l’intimité.



Beauté fatale. Les nouveaux visages d’une aliénation féminineMona Chollet, 2012, p.28-29.