31.7.20


Les Amants, René Magritte, 1928



29.7.20

17.7.20

14.7.20

L’idée que les femmes n’ont pas de passé, n’ont pas d’histoire, signifiait bien sûr qu’elles en avaient une mais qu’elle était enfouie, cachée, masquée, et que le travail des féministes était de la retrouver et de la faire connaître. Ce travail d’archéologie, de redécouverte, de réappropriation se poursuit et il est fondamental. Cependant, en inversant le sens de la phrase, en affirmant que nous avons un passé, une histoire, je suggère une autre approche de l’écriture de l’histoire. J’interroge le sens donné à « passé » et à « histoire » dans la phrase de l’hymne du MLF : « Nous qui sommes sans passé, les femmes / Nous qui n’avons pas d’histoire. » 

Dans quelle mesure cela nous aide-t-il à transformer en récit l’héritage catastrophique qui est l’histoire des peuples racisés (esclavage, génocide, dépossession, exploitation, déportation) ? Comment écrire le passé et l’histoire de ces catastrophes qu’on prend à peine le soin de mentionner d’ordinaire ? Quels mots trouver pour parler de l’offensive générale partout sur terre qui « tend à faire disparaître les territoires habitables et encore habités pour en faire des maillons des chaînes globales de production-consommation », quand se « multiplient les zones de sacrifice » ? 

Quel sens cela a-t-il de déclarer que « les femmes » sont sans passé et sans histoire alors même que, parmi les femmes, les Blanches et les racisées n’ont en rien la même légitimité ? L’écriture du passé et de l’histoire des femmes racisées n’a pas eu la même trajectoire que l’écriture féministe européenne parce qu’il ne s’agissait pas de la même démarche. Pour les racisées, il ne fallait pas combler une absence mais trouver les mots qui redonneraient vie à ce qui avait été condamné à l’inexistence, des mondes qui avaient été jetés hors humanité.

Un féminisme décolonialFrançoise Vergès, 2019

4.7.20

Le capitalisme est une économie de déchets et ces déchets doivent disparaître aux yeux de celles et ceux qui sont en droit de jouir d’une vie bonne. Selon la Banque mondiale, la production mondiale de déchets s’élevait en 2016 à 1 milliard 300 millions de tonnes par an, soit près de 11 millions de tonnes par jour. Tous ces déchets ne sont évidemment pas nettoyés par des femmes, mais aussi par des hommes et des enfants qui nettoient des montagnes de déchets ménagers et les déchets toxiques — les éboueurs, les Dalits qui vident les égouts, les Africains qui démantèlent à Accra les déchets de la technologie, les ouvriers qui décarcassant les navires au Bangladesh… 

Ce que je veux souligner ici, c’est que cette économie de production de déchets est inséparable de la production d’êtres humains fabriqués comme « rebuts », comme « déchets ». Toute une humanité est vouée à un travail invisible et surexploité pour créer un monde propre à la consommation et à la vie des institutions. A elles et eux, le sale, le pollué, l’eau non potable, les ordures pas ramassées, les plastiques qui envahissent tout, les jardin où les plantes meurent faute d’entretien, les égouts qui ne fonctionnent pas, l’air pollué. Aux autres, la ville propre, les jardins, les fleurs, la déambulation sereine. 

La ségrégation du monde s’effectue dans une division du propre et du sale fondée sur une division raciale de l’espace urbain et de l’habitat.

Un féminisme décolonialFrançoise Vergès, 2019

1.7.20