2.11.23

Il y a encore mieux qu’être un artiste, cependant : être un artiste qui souffre. Les amis de Polanski n’ont pas manqué de souligner que, entre la mort des siens en déportation pendant la guerre et l’assassinat en 1969 de son épouse Sharon Tate, cet homme avait beaucoup souffert. Dans l’interview télévisée déjà citée, le cinéaste disait qu’il y avait différentes manières de réagir à la douleur : « Certains s’enferment dans un monastère, d’autres se mettent à fréquenter les bordels. » (…) 


S’abriter derrière son statut d’artiste pour justifier cet usage consolatoire de plus faible que soi ne va pourtant pas sans poser quelques problèmes. Sur son blog, André Gunthert ironisait : « La littérature, c’est comme la baguette magique de la fée Clochette : ça transforme tout ce qui est vil et laid en quelque chose de beau et de nimbé, avec un peu de poudre d’or, de musique et de grappes de raisin tout autour. Pour les poètes, la prostitution n’est plus la misère, le sordide et la honte. Elle devient l’archet de la sensibilité, l’écho des voix célestes, la transfiguration des âmes souffrantes. La littérature, ça existe aussi au cinéma. Talisman de classe, elle protège celui qui la porte de l’adversité. Que vaut une fillette de treize ans face à une Palme d’or ? »



Beauté fatale. Les nouveaux visages d’une aliénation féminine, Mona Chollet, 2012, p.281-282