2.6.22

Je trouvais intensément satisfaisant ce jeu qui associait le masculin à la prédation. A l’adolescence, ce goût s’est confirmé. J’étais fascinée par le type de virilité qu’incarnait l’acteur Harrison Ford, à la fois dans Star Wars et Indiana Jones. La scène de L’Empire contre-attaque dans laquelle Han Solo surprend la Princesse Leia alors qu’elle effectue une réparation dans un recoin du vaisseau, où il l’amène à avouer à demi-mot qu’il lui plaît avant de l’embrasser malgré ses rebuffades, m’apparaissait comme un sommet de romantisme et d’érotisme. J’aimais cette idée d’un homme qui voit clair en vous et qui prend l’initiative du rapprochement ; ce qui, probablement, révèle à quel point j’étais tétanisée à la perspective de devoir formuler ou assumer mes désirs, ou de devoir prendre moi-même une initiative quelconque (…).


Ainsi, à travers ces films (Star Wars, Indiana Jones, Blade Runner, James Bond) et bien d’autres, des millions de spectatrices, dont moi, ont appris à associer la force brute et la menace à la séduction, tandis que des millions de spectateurs, dont Jonathan McIntosh, ont appris que le « non » des femmes n’était qu’un « oui » qui n’osait pas s’avouer, que leur colère était toujours feinte et que leurs imprécations ne représentaient qu’une invitation à insister davantage. En somme, mon imaginaire érotique — et le vôtre aussi peut-être — est fondé sur la culture du viol.



Réinventer l’amour. Comment le patriarcat sabote les relations hétérosexuelles, Mona Chollet, 2021, p.236-237