25.5.24

 Allez-y, citez-moi cinq victimes célèbres de violences sexistes dont les carrières ont décollé grâce à ça, qui ont gagné des millions et qui vivent aujourd’hui des vies extraordinaires grâce à la dénonciation de leur agresseur. Et quand vous aurez trouvé, citez-moi ensuite cinq hommes accusés de violences dont les carrières ont été véritablement rasées, atomisées, et qui vivent aujourd’hui dans la misère et l’anonymat. Pendant que vous cherchez, je me ferai une joie de vous faire une liste de noms de femmes qui ont été menacées et/ou harcelées après avoir osé ouvrir leur gueule, ça nous fera passer le temps. 

Malgré ça, malgré le nombre aberrant de témoignages concernant des personnes célèbres ou non, on ne croit toujours pas les victimes. On remet toujours leur parole en doute. On cherche toujours leur part de culpabilité dans l’affaire. On parle alors - ironie suprême - de « chasse aux sorcières ». C’est comme ça qu’on qualifie les échos de #MeToo, en France. On utilise un évènement qui a été utilisé afin de décimer des femmes en masse sous des prétextes inventés de toutes pièces par des fanatiques - où là encore la parole des femmes étaient forcément viciée et n’avait aucune valeur - pour parler de femmes qui osent l’ouvrir pour dénoncer leurs agresseurs. Et régulièrement, on nous ressort la bonne vieille image de la femme manipulatrice et vénale, qui se frotte les mains à l’idée de lancer cette accusation odieuse et de saloper la réputation d’un homme bon et droit - et ok, peut-être vaguement charmeur, mais il n’a jamais forcé personne, enfin !

Il n’y a que pour ce type de violence que la réaction principale est le doute et la remise en question. Si demain je raconte que j’ai été cambriolée, rackettée, qu’on a volé ma voiture ou que mon chien a été volé devant un supermarché, on ne doutera pas, ou bien moins, de ma parole. Si en revanche je dis que j’ai été touchée par un homme sans que j’y consente, la vapeur va rapidement s’inverser. J’en ai déjà fait les frais personnellement, plusieurs fois, et j’ai vu un nombre indécent de femmes faire face aux mêmes murs d’incrédulité.

Pourtant, toutes les femmes que je connais ont au moins une anecdote, un trauma lié de près ou de loin à une histoire mêlant sexualité, homme et consentement. Et jusqu’à preuve du contraire, ces femmes n’ont pas toutes été agressées par le même homme qui rôde depuis des années en essayant d’atteindre toutes les femmes du pays. Alors d’où viennent-ils ? Qui sont-ils ? Comment peuvent-ils être autre chose que vos fils, vos potes, vos cousins, vos boss, vos personnalités préférées ?


Vénère. Être une femme en colère dans un monde d’hommes, Taous Merakchi, 2022, p. 123-125