9.4.24

En faveur de la non mixité


Et plus je décortique mon rapport aux femmes, plus je suis en colère contre les hommes. Parce qu’il y a toute cette partie de ma construction qui s’est faite sur fond de misogynie et de « Je ne suis pas comme les autres femmes », qui s’est formée à cause des hommes, à leur contact, et sous leurs encouragements. Et je leur en veux de m’avoir volé ces années de sororité, d’amour des femmes et de la femme que je suis, parce que ça ne les arrangeait pas. Bien sûr, ce n’était pas conscient de la part des individus hommes qui m’ont poussée là-dedans, c’est le système-homme qui est à l’origine de tout ça, mais j’en veux à ceux qui y participent sans jamais rien remettre en question, pour qui il est normal de mépriser les femmes par défaut, de leur reprocher leur féminité, de les trouver naturellement plus cons et moins intéressantes, et de ne leur reconnaître de valeur que dans leur sexualité et leur rôle de mère.


Comme beaucoup d’autres personnes ayant nourri cette réflexion depuis quelques années, je suis moi aussi convaincue que la majorité des hommes hétérosexuels n’aiment pas les femmes. Ils sont malheureusement attirés par elles (a priori), mais leur compagnie ne les intéressent pas. Ils n’éprouvent pas de plaisir à passer du temps avec les femmes en dehors du cadre de la séduction et de la sexualité, ou de la vie de foyer et de ses conforts. Ils n’aiment pas parler avec elles, sortir avec elles, jouer avec elles, ils ne veulent partager leur vie sociale qu’avec des hommes, et rentrer pour baiser des meufs, éventuellement.


En même temps, c’est normal, ils grandissent avec la pression d’être toujours hommes, jamais femmes, et on leur répète à longueur de croissance que tout ce qui est étiqueté « fille » ou « femme », c’est de la merde, et qu’ils doivent s’en tenir éloignés et s’en moquer. Même nous montrer de l’affection, c’est mal vu, ils se font traiter de canards s’ils privilégient leur meuf à leurs potes, ne serait-ce que pour un dimanche après-midi. Y a qu’à la Saint-Valentin qu’ils sortent le grand jeu et le spray Axe collector des soirs de fête, parce que c’est comme la confession, ça efface tous les péchés de l’année. Si tu te foires pas le 14 février, tu peux surfer sur la vague jusqu’à son anniversaire, et prolonger le tir jusqu’à celui de votre relation - si t’as la décence de t’en souvenir. Mais attention, il faut bien veiller à se montrer blasé et extrêmement saoulé de devoir faire tous ces efforts quand on en parle à ses potes, sinon c’est cuit.



Vénère. Être une femme en colère dans un monde d’hommes, Taous Merakchi, 2022, p. 96-97