Aujourd’hui, pour se faire entendre, il faut être vu. Revendiquer
entièrement nu est donc une façon de capter l’attention des médias, en
se servant de l’impact de l’image. Et ça marche car la nudité déclenche
quelque chose de très profond chez les gens. En fait, la nudité est un
discours.
Pourtant il s’agit très rarement d’un propos sur la sexualité. Dans ce cas, pourquoi utilise-t-on la nudité ?
Dans
pratiquement toutes les civilisations, on associe invariablement corps
nu et sexualité. Du coup, dès que l’on dissocie ces deux notions, ça
crée un choc, une sorte de stupeur, les gens sont déroutés. Et c’est ce
que cherchent les manifestants déshabillés : déranger l’ordre des
choses.
Mais le discours politique peut-il rester crédible lorsqu’il est énoncé en tenue d’Adam ou d’Eve ?
C’est
une question qui revient tout le temps, et notamment aux oreilles des
chercheurs qui travaillent sur la nudité. Comme si le nu ne pouvait
déclencher que deux types de réactions : la pulsion sexuelle ou le rire.
Mais il suffit de décaler légèrement le point de vue pour sortir de
cette impasse voyeurisme-spectacle.
Prenons l’exemple de
l’artiste : pour son regard de plasticien, le nu est un outil qui
enseigne l’architecture du corps, les volumes. Il n’est ni grotesque ni
émoustillant. Dans une manifestation de rue, il sert de métaphore. Se
mettre nu est un acte courageux. C’est une nouvelle arme, un matériau
pour de nouvelles luttes.
Francine Barthe-Deloizy par Marie-Joëlle Gros