2.11.23

 A propos de « l’affaire DSK » et de « l’affaire Polanski »


Nombre de commentateurs y ont démontré à quel point leur vision de l’érotisme se passait aisément de cette broutille que représente à leurs yeux la réciprocité du désir. Le langage utilisé n’a cessé de manifester une inconscience totale de la ligne de démarcation existant entre un rapport sexuel et un viol. L’expression « affaire de moeurs » a été utilisée dans les premières dépêches qui ont suivi l’arrestation de Polanski, ainsi que dans la pétition du cinéma mondial lancée en sa faveur ; quelques voix se sont élevées pour objecter que, s’agissant de la pénétration et de la sodomie d’une adolescente de treize ans préalablement saoulée au champagne et shootée au Quaalude, c’était un peu léger. De même, il y a eu, dans l’affaire DSK, le fameux « troussage de domestique » lancé par Jean-François Kahn, qui ramenait Nafissatou Diallo au cliché dépersonnalisant de la « soubrette », l’effaçant du tableau en tant qu’individu.



Beauté fatale. Les nouveaux visages d’une aliénation féminine, Mona Chollet, 2012, p.267

15.10.23

« Ce que les petites filles apprennent, ce n’est pas à désirer les autres, mais à désirer être désirées », écrit Naomi Wolf (The Beauty Myth). « Les femmes qui ont maigri disent se sentir « plus sexy », remarque-t-elle, alors que les terminaisons nerveuses des tétons et du clitoris ne se multiplient pas avec la perte de poids ». En somme, l’apparence d’une femme doit toujours avoir la priorité sur ses sensations. 


Beauté fatale. Les nouveaux visages d’une aliénation féminine, Mona Chollet, 2012, p.258

Cette assignation au statut de femme-objet, l’actrice Jane Fonda en a fait l’expérience, comme la plupart de ses consoeurs, et l’a analysé avec une lucidité particulière. Dans ses Mémoires, elle raconte que lorsqu’elle joua sur les bases militaires américaines le spectacle qu’elle avait monté avec d’autres artistes contre la guerre du Vietnam, en 1971, les soldats étaient parfois furieux de constater qu’elle ne correspondait pas à la bombe sexuelle qu’ils attendaient. Certains déchirèrent même leur poster de Barbarella, l’astronaute ultrasensuelle en combinaison Paco Rabanne qu’elle avait incarnée en 1968 dans le film du même nom sous la direction de son mari d’alors, Roger Vadim. 

Elle commente : « Je voudrais pouvoir refaire cette tournée aujourd’hui, dans la peau de celle que je suis devenue. J’arriverais sur scène et dirais : « Oui, je sais que vous êtes déçus de me voir comme ça, au lieu de la très sexy Barbarella, une fille comme les autres, en jean, pas maquillée. (…) Attention, je peux comprendre tous les fantasme, mais il faut que vous sachiez une chose. Incarner ceux des autres peut vous enlever toute votre humanité. Être sexy, c’est super, tant que cela ne vous oblige pas à renoncer à ce que vous êtes vraiment, comme cela m’est arrivé. Je m’étais perdue. Maintenant, j’essaye d’être qui je suis, j’espère que vous le comprendrez. » (…) Peut-être saurais-je leur expliquer que le « syndrome Barbarella » me déshumanisait comme l’armée les déshumanisait. » 


Beauté fatale. Les nouveaux visages d’une aliénation féminine, Mona Chollet, 2012, p.254-255

4.10.23