4.9.22

Backlash et marketing

On s’assure d’ailleurs que les fillettes en sont bien conscientes : leur propre date de péremption approche à grands pas. Et puis, puisqu’il vaut mieux prévenir que guérir, il n’est jamais trop tôt pour apprendre à « s’occuper de soi ». Elles intègrent donc un autre aspect de la féminité contemporaine : la conviction d’un défaut, d’un vice fondamental lié à leur corps, que le temps ne fera que rendre plus évident et dont il s’agit de retarder autant que possible l’apparition ; mais aussi une forme de saleté, à laquelle sont censés remédier mille produits destinés à « purifier », « gommer », « désincruster »…

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Le secteur de l’électroménager, en particulier, préférait avoir pour clientes des femmes au foyer, perçues comme plus fiables, moins critiques, plus attentives à ce qu’il leur proposait. Il fit en sorte de leur donner l’illusion que, grâce à leurs robots, elles pourraient transformer une corvée en un moyen d’expression de leur créativité : « C’est une manière d’absorber les talents, le goût, l’imagination et l’initiative de la femme moderne. Cela lui permet d’utiliser dans son foyer toutes les facultés qu’elle déploierait dans une carrière. Ce besoin de création est une des forces qui la poussent à acheter », note une enquête que (Betty) Friedan s’est procurée. 


Beauté fatale. Les nouveaux visages d’une aliénation féminineMona Chollet, 2012, p.42-44.