Moins ouvertement puante qu’une fille à papa de l’Upper East Side ou une princesse bahreïnie, la it girl, mannequin, actrice, créatrice de mode ou présentatrice de télévision, se situe à un échelon intermédiaire. Fournissant généreusement magazines, blogs et émissions de télévision, elle popularise et démultiplie à l’infini les discours et les images mettant en scène l’idéal de l’hédonisme par la consommation experte.
On est vite écoeuré par ces litanies d’adresses branchées, de filles cool, d’amitiés sans nuages, de fous rires, de fêtes, de farniente, de positivité forcenée. Au-delà de sa pénible dimension publicitaire, ce fantasme déraisonnable d’une vie qui ne serait que plaisir et détente, moment exceptionnel sur moment exceptionnel, oublie que seul le contraste permet de les apprécier pleinement. Ils ne prennent sens que s’ils alternent avec des moments où l’on affronte la vie sous tous ses aspects, y compris ceux qui peuvent se révéler sombres, ennuyeux ou pénibles.
(…) A l’hiver 2011, toujours, alors que le monde arabe s’embrasait, les photos et les vidéos en provenance d’Egypte qui circulaient sur Internet montraient de nombreuses femmes parmi les manifestants. Sur une vidéo, on voyait l’une d’elles, âgée d’une vingtaine d’années, foulard rose vif sur les cheveux, scander des slogans anti-Moubarak que reprenait en choeur un groupe de jeunes hommes. Pendant ce temps, sur son blog, Garance Doré découvrait que « du moment que l’on met une robe et qu’elle est photographiée, on ne peut plus la reporter, c’est infernal mais c’est vrai ». Question : de ces deux femmes, laquelle est la plus émancipée ?
Beauté fatale. Les nouveaux visages d’une aliénation féminine, Mona Chollet, 2012, p.82.