A lui seul, le terme « égérie », qui s’est imposé depuis quelques années, est symptomatique du glissement qui s’est opéré : une actrice n’est plus l’inspiratrice d’un artiste — ce qui, en cantonnant les femmes au rôle muet de muses, en les réduisant à leur photogénique et à leur sensualité, pouvait déjà être agaçant —, mais celle d’une marque ou d’un produit, dont la démarche se trouve ainsi anoblie, auréolée de toute la gloire et tout le mystère de la création. Et la publicité n’est plus un fléau que l’on subit ou que l’on fuit, mais, au contraire, une production culturelle à part entière, que l’on est censé rechercher et attendre : certains magazines proposent ainsi sur leur site Internet le making of du spot de Jean-Pierre Jeunet (Chanel N°5).
Beauté fatale. Les nouveaux visages d’une aliénation féminine, Mona Chollet, 2012, p.90.