11.9.22

 Dans une société où l’égalité serait effective, elles (les femmes) auraient droit à un autre rôle que celui de vaches à lait ou de perroquets — ou d’otaries — du complexe mode-beauté. Au lieu de ressasser jusqu’à l’hébétude les préoccupations auxquelles on les assigne, elles relèveraient les yeux sur le monde ; elle s’empareraient de tous les sujets dignes d’attention qui s’offriraient à leur intelligence ; elles se battraient pour avoir le droit de développer toutes les facettes d’elles-mêmes et d’enfreindre tous les codes de bonne conduite ; elles imposeraient leur participation à la définition des valeurs dominantes ; elles imagineraient un moyen de faire profiter l’ensemble de la société des raffinements esthétiques qu’elles cultivent aujourd’hui dans leur ghetto. Elles forceraient les hommes à les prendre au sérieux, et inventeraient avec eux des relations entre les sexes plus riches, plus satisfaisantes, en abattant la prison des rôles appris. Et quand l’industrie de la mode et de la beauté prétendrait leur faire gober que leur bien-être coïncide avec le niveau de son chiffre d’affaires, elles lui riraient au nez. 


Beauté fatale. Les nouveaux visages d’une aliénation féminine, Mona Chollet, 2012, p.131.