La valorisation du teint clair est très ancienne dans les pays asiatiques. On la trouve souvent dans la mythologie, qui, chez les hindous, par exemple, « met aux prises des dieux à la peau claire et des démons à la peau sombre », indique Geoffrey Jones. Elle s’explique, dit-on, par le fait qu’un teint pâle révélait le rang social d’une femme n’ayant pas besoin de travailler aux champs. En Inde comme en Asie du Sud-Est, l’histoire a également vu le triomphe de peuples à la peau claire sur d’autres à la peau plus foncée. La colonisation a renforcé cette signification d’appartenance à la classe dominante ; non seulement le colon blanc trônait au sommet de la hiérarchie, mais il jouait les individus ou les groupes sociaux les uns contre les autres en fonction des nuances de leur complexion. Cet héritage, mélange inextricable de dynamiques internes et d’influences extérieures, empêche toute mise en circulation de modèles esthétiques qui diffèrent vraiment des canons occidentaux : le cinéma indien a beau être le plus dynamique de la planète, les plus grandes stars sont au contraire celles qui s’en rapprochent le plus.
Beauté fatale. Les nouveaux visages d’une aliénation féminine, Mona Chollet, 2012, p.224