30.3.19

Dans nos sociétés on envisage que cette jeune fille violée n'aurait pas du boire. On envisage que la touriste suisse n'avait qu'à ne pas aller en Inde. On envisage qu'on n'avait qu'à pas s'habiller ainsi. On envisage qu'on n'avait qu'à sortir moins tard. On envisage qu'on n'avait qu'à être accompagnée. On envisage qu'on peut instaurer des couvre-feux pour les femmes.

On n'envisage pas que les hommes n'ont qu'à ne pas boire. On n'envisage pas que les hommes n'ont pas à violer. On n'envisage pas que les hommes peuvent ne pas sortir dans la rue le soir.

Le viol est le crime où la victime est accusée de mentir, accusée d'avoir encouragé, accusée d'avoir aimé, accusée d'avoir cherché, accusée de ne pas être assez défigurée, accusée d'avoir bu.

Dans les journaux féminins américains, c'est très à la mode de faire des articles pour dire aux femmes de ne pas boire car elles pourraient être violées ensuite. Je n'ai jamais lu un article dans un magazine masculin conseillant aux hommes de ne pas boire car ils pourraient violer. Jamais lu qu'un homme ne doit pas violer. Jamais lu que non c'est non. Apparemment le viol est commis par des extra-terrestres puisque, si son évocation est omniprésente dans la vie des femmes, elle est absente de celle des hommes.

On apprend aux femmes à se protéger (en restant chez elles) apparemment il n'y a rien à apprendre aux hommes.

(...)

La culture du viol naturalise le viol ; elle explique qu'il existera toujours et qu'il faut faire avec. Elle valide les mythes autour du viol comme de dire que le viol est commis en majorité par des étrangers alors que la plupart des viols sont commis par des hommes connus par la victime. Elle sexualise le viol en disant que le viol a quelque chose à voir avec la sexualité ; et qui irait se plaindre de la sexualité, c'est bon la sexualité non ?


"Comprendre la culture du viol", Crêpe Georgette, 2013