La nuit ne nous appartient pas
On nous refuse des libertés et des droits fondamentaux, on n’a pas le droit aux mêmes privilèges, et en plus on s’étonne quand on s’en offusque et on nous accuse d’être naïves et d’ignorer la nature humaine.
Par contre, quand nous mettons le mot « privilège » dans nos discours pour parler de déséquilibre, ça ne va pas non plus. Manquerait plus qu’on admette qu’un des deux camps s’en tire mieux que l’autre ! La femme est le sexe faible, elle est inférieure, mais attention, si elle dénonce son statut, on ne manquera pas de lui rappeler qu’elle exagère, qu’elle se victimise, qu’elle déteste les hommes et qu’elle fait des caprices. Non, tu ne pourras pas jouir des mêmes privilèges que moi, et non, tu n’auras pas le droit de t’en plaindre non plus. Tu resteras docile et humble, tu regarderas tes pieds et tu diras merci pour le droit de vote et pour ton chéquier, et en plus eh, ça pourrait être pire, tu pourrais vivre en Arabie saoudite alors viens pas chialer ! Et de toute façon, pourquoi tu veux marcher dehors la nuit ? Ça te sert à quoi ? T’en as besoin, vraiment ? Non, bah alors fais pas chier, c’est fou ça, on vous donne la main vous voulez le bras, on peut jamais gagner avec vous !
Vénère. Être une femme en colère dans un monde d’hommes, Taous Merakchi, 2022, p. 65