J’étais entrée dans la chambre de Peter pendant que Connie dormait. Ca empestait une odeur que j’identifierais plus tard comme celle de la masturbation, une déchirure humide dans l’air. Toutes ses affaires étaient imprégnées d’un sens secret : son futon, un sac en plastique rempli de barrettes de shit à l’aspect cendreux, près de son oreiller. Des manuels pour apprenti mécanicien. Le verre posé par terre, couvert de traces de doigts grasses, était à moitié rempli d’eau croupie, et des galets lisses trouvés dans la rivière étaient alignés sur sa commode. Un bracelet en cuivre bon marché que j’avais vu à son poignet quelque fois. J’enregistrais tout comme si je pouvais décoder la signification cachée de chaque objet, et reconstruire l’architecture intérieure de sa vie.
Le désir, à cette époque, provenait en grande partie d’un acte déterminé. Se donner tant de mal pour gommer les contours bruts, décevants, des garçons, et façonner quelqu’un qu’on pourrait aimer. Nous parlions de notre besoin désespéré avec des mots convenus et familiers, comme si nous lisions les répliques d’une pièce. Je m’en apercevrais plus tard seulement : combien notre amour était impersonnel et avide, balloté à travers l’univers, dans l’attente que quelqu’un le reçoive et donne forme à nos souhaits.
The Girls, Emma Cline, 2016