Cette assignation au statut de femme-objet, l’actrice Jane Fonda en a fait l’expérience, comme la plupart de ses consoeurs, et l’a analysé avec une lucidité particulière. Dans ses Mémoires, elle raconte que lorsqu’elle joua sur les bases militaires américaines le spectacle qu’elle avait monté avec d’autres artistes contre la guerre du Vietnam, en 1971, les soldats étaient parfois furieux de constater qu’elle ne correspondait pas à la bombe sexuelle qu’ils attendaient. Certains déchirèrent même leur poster de Barbarella, l’astronaute ultrasensuelle en combinaison Paco Rabanne qu’elle avait incarnée en 1968 dans le film du même nom sous la direction de son mari d’alors, Roger Vadim.
Elle commente : « Je voudrais pouvoir refaire cette tournée aujourd’hui, dans la peau de celle que je suis devenue. J’arriverais sur scène et dirais : « Oui, je sais que vous êtes déçus de me voir comme ça, au lieu de la très sexy Barbarella, une fille comme les autres, en jean, pas maquillée. (…) Attention, je peux comprendre tous les fantasme, mais il faut que vous sachiez une chose. Incarner ceux des autres peut vous enlever toute votre humanité. Être sexy, c’est super, tant que cela ne vous oblige pas à renoncer à ce que vous êtes vraiment, comme cela m’est arrivé. Je m’étais perdue. Maintenant, j’essaye d’être qui je suis, j’espère que vous le comprendrez. » (…) Peut-être saurais-je leur expliquer que le « syndrome Barbarella » me déshumanisait comme l’armée les déshumanisait. »
Beauté fatale. Les nouveaux visages d’une aliénation féminine, Mona Chollet, 2012, p.254-255