4.7.20

Le capitalisme est une économie de déchets et ces déchets doivent disparaître aux yeux de celles et ceux qui sont en droit de jouir d’une vie bonne. Selon la Banque mondiale, la production mondiale de déchets s’élevait en 2016 à 1 milliard 300 millions de tonnes par an, soit près de 11 millions de tonnes par jour. Tous ces déchets ne sont évidemment pas nettoyés par des femmes, mais aussi par des hommes et des enfants qui nettoient des montagnes de déchets ménagers et les déchets toxiques — les éboueurs, les Dalits qui vident les égouts, les Africains qui démantèlent à Accra les déchets de la technologie, les ouvriers qui décarcassant les navires au Bangladesh… 

Ce que je veux souligner ici, c’est que cette économie de production de déchets est inséparable de la production d’êtres humains fabriqués comme « rebuts », comme « déchets ». Toute une humanité est vouée à un travail invisible et surexploité pour créer un monde propre à la consommation et à la vie des institutions. A elles et eux, le sale, le pollué, l’eau non potable, les ordures pas ramassées, les plastiques qui envahissent tout, les jardin où les plantes meurent faute d’entretien, les égouts qui ne fonctionnent pas, l’air pollué. Aux autres, la ville propre, les jardins, les fleurs, la déambulation sereine. 

La ségrégation du monde s’effectue dans une division du propre et du sale fondée sur une division raciale de l’espace urbain et de l’habitat.

Un féminisme décolonialFrançoise Vergès, 2019