Parfois, quand mon esprit divague, j’imagine que l’ensemble de ma génération cesse d’être. J’imagine qu’un matin, aucun jeune de France ne quitte son lit, qu’aucun de nous ne va travailler, que tous s’arrêtent. Je me fais le film d’une journée où les médias s’affolent, où les patrons paniquent, où les professeurs pleurent. Un jour où la jeunesse asphyxie le pays par son absence. Et je vois le Premier ministre s’excuser sur le plateau du JT, nous parler droit dans les yeux et nous dire qu’il n’avait pas mesuré à quel point nous étions essentiels au fonctionnement du pays. J’imagine son regard de chien battu nous supplier de revenir et nous exprimer sa gratitude envers ce que nous sommes.
Léa Frédeval, Les Affamés