Il se mit à rire dans le vent. L'amour lui donnait des ailes. Il se sentait tel l'aigle planant sur les sommets, à la verticale du monde, dominant les misérables circonvolutions humaines d'un mépris prononcé. Libre. Oui, pour la première fois depuis longtemps il goûtait de nouveau à l'ivresse. D'heure en heure, de minute en minute, de seconde en seconde, ce qui l'entourait se colorait, comme si cette lumière intérieure illuminait toute chose.
(...)
Etait-ce cela l'amour ? Cette sensation de ne plus s'appartenir soi-même ? D'être aliénée par une force extérieure qui vous ôtait toute raison, tout contrôle ? Son heure dernière lui eût-elle été annoncée qu'elle n'en aurait pas été plus bouleversée. Au demeurant, se calquant sur sa prestance, elle refusait d'en rien montrer et se contenta de lui sourire avec cette douceur qu'elle savait être le reflet de son coeur, quand son âme tout entière était entre guerre et paix.
(...)
-... Je suis musulman. Vous, chrétienne. Avais-je seulement le droit d'en rêver...
- Le Dieu des chrétiens n'a jamais interdit d'aimer...
- Celui des musulmans non plus, en vérité.
Ils s'effleurèrent, les yeux clos, le souffle mêlé avant d'abattre les barrières des convenances et de la religion dans la fougue d'un vertigineux baiser.
Le Chant des sorcières, tome II, Mireille Calmel