Il fallait voir Lucile marcher dans la rue, à la fois si énergique et si mal assurée, son corps penché en avant, son sac plaqué contre sa hanche, cette manière de fendre la foule, d'aller droit au but, ses airs de bulldozer.
Il fallait voir Lucile jouer du coude dans la queue serrée d'un cinéma ou d'une caisse de supermarché, et dissuader d'un regard quiconque envisageait de la doubler ou avait eu le malheur, perdu dans de douces pensées, d'empiéter de quelques centimètres sur ce qu'elle considérait comme son territoire.
Il fallait voir Lucile, le visage orienté vers le soleil, allongée sur la pelouse d'un square ou assise sur un banc, le plaisir et l'apaisement qu'elle y trouvait.
Rien ne s'oppose à la nuit, Delphine de Vigan